Wittgenstein reprend Kürnberger pour ouvrir son ouvrage, en lui empruntant une devise qui illustre le propos du philosophe quant à l’indicibilité des choses importantes[N 4] : « et tout ce que l’on sait, que l’on n’a pas seulement entendu comme un bruissement ou un grondement, se laisse dire en trois mots. Ibid., 4.1121. Dummett est sur ce point plus proche de Frege que de Wittgenstein, et cela ressort clairement dans Dummett 1991, 294-295. Krivine, J.-L. « Realizability in Classical Logic », Marion, M. « Wittgenstein on Mathematics : Constructivism or Constructivity ? Voir sur ce point Marion 2009, 201sq., et Marion et Okada (à paraître). De 1936 à 1937, Wittgenstein vécut à nouveau en Norvège, laissant Skinner derrière lui. Et que dire du cas où nous possédons plus d’une preuve d’un énoncé mathématique ? On notera que Dummett lui-même avait adopté tardivement une interprétation similaire de Wittgenstein, défendue à l’époque dans Marion 1991, selon laquelle les énoncés mathématiques ne feraient « qu’encoder des instructions pour des calculs » (Dummett 1991b, 294), mais qu’il s’y opposait, prenant plutôt le parti, platoniste, de Frege, comme nous le mentionnions à la note 11. Questo è un testo molto interessante e molto impegnativo (anche in italiano), che richiede molta attenzione e dedizione. Wittgenstein y est lui-même brièvement incarné dans une scène au début du film. « Une extension de l’interprétation fonctionnelle de Gödel à l’analyse et son application à l’élimination des coupures dans l’analyse et la théorie des types », dans. Deux événements contribuèrent à sortir Wittgenstein de sa dépression : « …Le tractatus logico-philosophicus de M. Wittgenstein, qu’il se révèle ou non comme donnant la vérité définitive sur les sujets dont il traite, mérite certainement, par son ampleur et sa portée et sa profondeur, d’être considéré comme événement important dans le monde philosophique. Voir Marion et Okada (à paraître), portant entre autres sur la conception de la preuve par induction mathématique de Wittgenstein et ses réflexions sur une preuve de Skolem, discutée dans cette section, qui l’ont mené à une « règle d’unicité » qui sera reprise par son étudiant R. L. Goodstein. La « seconde philosophie de Wittgenstein » a ainsi alimenté l'ethnométhodologie, courant de la sociologie américaine incarné notamment par Harold Garfinkel et Aaron Cicourel, puis dans son sillage des sociologies de l'action et de la cognition[50]. Le point de vue de Wittgenstein traduit donc une méfiance à l’égard de ce dernier et, de surcroît, à l’égard du « calcul logique » dans lequel on traduit ces mots pour ensuite appliquer au résultat des opérations logiques. Sens/Non-sens/Vide de sens, Montrer/Dire, « Philosophe, ingénieur, architecte, artiste. Les œuvres principales sont publiées chez Gallimard : On trouvera chez Trans Europ Repress un certain nombre de publications précieuses (bilingues) de notes et de cours de Wittgenstein[59]. À propos de cette remarque très importante, voir Okada 2007, 127-128. On peut faire valoir que le point de vue platoniste ne va pas de soi pour autant. Pour comprendre ce dont il est question, il vaut la peine de s’attarder sur une preuve de l’associativité de l’addition : qui exprime l’idée fort simple que si vous additionnez trois nombres, peu importe dans quel ordre vous le faites, le résultat sera le même. Il étudia brièvement en Allemagne auprès du logicien Gottlob Frege[Quand ? Les formes de vie désignent les types d'activités humaines structurées par des règles différentes (un peu comme des jeux de société). » (199) *. Vivant en ermite, Wittgenstein fut surpris par l'avènement de la Première Guerre mondiale. Dans une lettre à Russell du 6 mai 1920, il s'exprime ainsi : « ton Introduction ne sera pas imprimée, et par conséquent il est vraisemblable que mon livre ne le sera pas non plus. Il est d'abord paru en allemand en 1921[28] sous le titre Logisch-philosophische Abhandlung, puis sur les suggestions de George Edward Moore[29], en anglais, un an plus tard avec le titre latin actuel, une allusion au Traité théologico-politique de Spinoza. Granger, Préambule du traducteur[43], « Quand [Wittgenstein] oppose bonne et mauvaise philosophies, et qu'il fait de la première un outil pour démasquer le philosophe qui est en chacun de nous, [il] vise le fait que toute philosophie se réalise moins comme un système plus ou moins logique de propositions – c'est précisément l'illusion du Tractatus – qu'elle ne s'incarne, en fait, dans un langage qui est d'abord le langage commun[45]. Il n’y a donc pas, a fortiori, d’évolution vers des positions « tardives » de Wittgenstein sur les mathématiques, et par le fait même aucune raison valable d’ignorer les écrits de la période « intermédiaire ». », « activité de clarification logique des pensées », « La mise à l'épreuve empirique d'une proposition théorique ne peut jamais revêtir en sociologie la forme logique de la réfutation (« falsification ») au sens poppérien », « Ensemble des co-occurrences observables ; tout ce qui est observable, rien qui ne le soit », « Ensemble des occurrences observables lorsqu'elles ne peuvent être désassorties de leurs coordonnées spatio-temporelles sauf à perdre le sens que l'on vise en assertant sur elles, C’est Gustav Klimt qui exécuta le portrait de sa sœur Margarete pour son mariage en 1905, « Il faut sans cesse que je me plonge dans l’eau du doute. Voir, par exemple, Wittgenstein 1983, VII, § 10. Pendant cette période, années 1920 et 1930, ses travaux comprenaient des attaques variées contre la philosophie perfectionniste du Tractatus. 8) à la forme de particularisme moral suggérée dans la seconde philosophie. Il avait alors trois grands centres d'intérêt : la philosophie, la musique et les voyages. Wittgenstein donne un exemple de cela dans la Grammaire philosophique, avec la conjecture de Gauss sur la distribution des nombres premiers. Pour être « effective », une procédure doit se terminer en un nombre fini d’étapes et doit être telle qu’un être humain puisse l’effectuer « à la main » (avec un crayon sur du papier), tandis que chaque étape doit consister en l’application d’une règle (prise parmi un ensemble fini de règles elles-mêmes énoncées de manière finie), de telle sorte que l’application de la règle ne réclame pas de conjecture de la part de l’être humain[17]. Se dégage ainsi un paradigme, celui de la « proposition comme type », dans lequel la signification d’un énoncé mathématique est directement liée à ses preuves, puisqu’une correspondance entre un « calcul logique » et un « calcul fonctionnel » y est établie, confirmant aussi par là même la sémantique BHK de la logique intuitionniste[73]. Il relève en effet dès les Remarques philosophiques (composé de remarques datant de 1929-1930), les difficultés liées aux deux cas de figure suivant : Un énoncé mathématique admet dans les faits plus d’une preuve[58]. Son travail sur Logik commença à prendre un sens éthique et religieux. Le « calcul des équations » du Tractatus peut certes rendre compte des équations de la théorie des nombres, mais on laisse souvent entendre qu’il n’a guère de valeur comme « fondement ». On notera cependant que les difficultés auxquelles Wittgenstein fait face ne donnent pas pour autant la partie au platoniste : si la simple compréhension « compositionnaliste » du dernier théorème de Fermat (5) nous avait donné au départ une signification suffisamment précise de son sens, nous en aurions trouvé un peu plus facilement la preuve[69]. Si cela n’était pas le cas et qu’il réussissait par la suite à découvrir un contre-exemple, comment pourrions-nous reconnaître qu’il a obtenu ce qu’il cherchait, et qu’il avait eu raison de croire en l’existence de ce nombre ? Wittgenstein sur le langage dans le Tractatus Logico-Philosophicus. Cette remarque est cruciale pour la compréhension de la pensée de Wittgenstein, puisque cet écart est le point de départ de sa réflexion sur la thèse (1) : si on veut connaître la signification d’un énoncé tel que (4), il faut donc en regarder la preuve. En mathématiques, tout est algorithme et rien n’est signification [Bedeutung] même lorsque cela ne semble pas être le cas parce qu’on semble utiliser des mots pour parler à propos d’objets mathématiques. On serait tenté de le penser : les quantificateurs sont certes absents mais donnent l’impression d’être présupposés, puisqu’on aurait envie de lire la conclusion, sous la barre horizontale, commençant par les mots « Pour tous les… ». Personnalité emplie de doutes, Wittgenstein se questionne très tôt dans son enfance sur le concept de vérité[21],[N 2]. Le Tractatus logico-philosophicus de Ludwig Wittgenstein (1880-1951) a été publié pour la première fois sous le titre « Logisch-philosophischen Abhandlung » en 1921, dans les Annalen der Naturphilosophie. Après la libération de Wittgenstein en 1919, ils travaillèrent ensemble pour le faire publier. EndNote (version X9.1 et +), Zotero, BIB Ludwig fut baptisé dans l'Église catholique et il voulut pour sa mort un enterrement catholique, bien qu'il fût plutôt agnostique et non pratiquant dans la seconde période de sa vie, après 1929. Cependant, puisque ses remarques sont souvent sujettes à une réfutation facile[71], nous aimerions conclure en tissant rapidement des liens avec des développements en logique que Wittgenstein n’a certes pas anticipé, mais qui confirment en quelque sorte ses thèses. Voir (Wittgenstein 1991, 3) et la discussion de cet argument dans (Marion 2011b). Dans son ouvrage Le raisonnement sociologique, le sociologue Jean-Claude Passeron mobilise la terminologie wittgensteinienne pour montrer que « La mise à l'épreuve empirique d'une proposition théorique ne peut jamais revêtir en sociologie la forme logique de la réfutation (« falsification ») au sens poppérien »[57]. Remarques sur l’évolution de la logique et notre compréhension de ces problèmes, Ambrose, A. Dans le § 46 des Recherches philosophiques Wittgenstein cite un long passage du Théétète de Platon qui constitue un témoignage de la conception nominaliste du discours qui ne peut que dénommer et non pas expliquer les éléments originels. À sa mort, il existait environ 30 000 pages manuscrites. « …Un jour, quelqu’un lui dit qu’il trouvait l’innocence enfantine de G.E. Voici les livres incontournables si vous souhaitez mieux comprendre la pensée de cet auteur : Pastorini C., Ludwig Wittgenstein, une introduction, Pocket, Paris, 2011 Bouveresse J., Le mythe de l'intériorité : Expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein, les éditions de Minuit, Paris, 1987 Soulez A. et Sebestik J., Wittgenstein et la philosophie aujourd'hui, l’Harmattan, Paris, 2003 Ogien A., Les formes sociales de la pensée, Armand Colin, Paris 2007 Laugier S., Wittgenstein, les sens de l'usage, Vrin, Pa… Il faut aussi dénoncer une propension sidérante chez les commentateurs à sous-évaluer les écrits de la période « intermédiaire », sous prétexte d’une évolution vers les positions du « deuxième Wittgenstein », que l’on devrait seules prendre au sérieux, comme si elles pouvaient être interprétées de par elles-mêmes sans explication génétique de leur origine dans le reste de l’oeuvre ; en somme, les écrits de la période « intermédiaire » ne seraient que des brouillons sans grand intérêt intrinsèque. Un constructiviste comme Dummett ne s’objecte pas à cette thèse : il réclame seulement de ces entités qu’elles dépendent de l’activité des mathématiciens, et il insiste par conséquent sur le fait que notre compréhension de la signification des énoncés mathématiques n’outrepasse pas notre capacité à reconnaître si leurs conditions de vérité sont satisfaites ou non[11]. Il conçoit la philosophie de telle sorte qu’elle est une « activité de clarification logique des pensées » (Tractatus, 4.112). Le père, protecteur des arts, recevait nombre d'artistes remarquables, en particulier des musiciens, tels que Johannes Brahms ou Gustav Mahler. Cette périodisation, basée sur les deux grandes oeuvres que sont le Tractatus et les Recherches philosophiques, est selon nous extrêmement problématique, car ce n’est qu’un découpage conventionnel : il induit une image nécessairement fausse dont on se sert par la suite dans la littérature secondaire à l’appui de thèses sans fondement. Ce point de vue devrait apparaître à quiconque terriblement déficient : pour reconnaître que les deux membres de l’équation sont équivalents, il faut « faire une opération » ou « faire un calcul », et c’est précisément ce « calcul » qui est rejeté à l’arrière-plan de la conception de Frege, comme si ce dernier était sans grande importance. Un opéra, composé et crée à Genève en 2003 par Julien Pinol, lui a été consacré. (Le lecteur peut vérifier ce dernier point en relisant la preuve telle que donnée ci-dessus.) Il entreprit deux voyages avec son ami platonique David Pinsent (de Trinity College): en Islande et en Norvège. Dans ses Investigations philosophiques, Wittgenstein pose la question suivante : « Ce que nous appelons « obéir à une règle » est-il un acte susceptible de n'être accompli que par un seul homme, et, par lui, une seule fois dans sa vie? Comment la preuve peut-elle produire la généralité même que les tentatives antérieures rendaient probable[66] ? En regardant des tables de nombres premiers, Gauss a remarqué une équivalence asymptotique entre cette densité et 1/log n (avec « log n » pour le logarithme népérien de n), soit : La preuve de cette conjecture était un sujet de discussion à Cambridge dans les années trente, en particulier autour du livre d’Albert Ingham[65]. Nous devons cette suggestion à Jean-Baptiste Joinet (Joinet 2009, 41-42). It was first published in German in 1921 as Logisch-Philosophische Abhandlung. En 1939, G. E. Moore démissionna et Wittgenstein, alors considéré comme un génie de la philosophie, obtint la chaire de philosophie de Cambridge et acquit la nationalité britannique dans la foulée. (Wittgenstein exprimera la même idée dans les Recherches philosophiques en parlant « d’air de famille » aux § 67-68 ; une idée qu’on croit donc à tort être la marque d’une « deuxième » philosophie, alors qu’elle est présente, comme on peut le voir, dans toute la période « intermédiaire ».) Signification, preuve et conjecture mathématique, 4. 1. Le texte de Joinet peut être vu comme une introduction à la révolution en logique et en philosophie de la logique provoquée par la correspondance de Curry-Howard. De nombreuses conjectures, comme celle désormais résolue du dernier théorème de Fermat (5) ou celle encore non résolue de Goldbach, ne sont justement pas de cet ordre — en fait, de grands pans des mathématiques ont été conçus par des tentatives, comme celle de Kummer, de prouver le dernier théorème de Fermat[68]. 4. À cet égard, Wittgenstein semble soutenir une thèse constructiviste plus radicale, dans la mesure où il rejette l’idée que les énoncés mathématiques puissent porter sur des entités abstraites, que celles-ci soient dépendantes ou non de l’activité des mathématiciens. Parmi les « wittgensteiniens », on compte Friedrich Waismann, Gilbert Ryle, Rush Rhees, Norman Malcolm, Peter Geach et Elizabeth Anscombe. Nombreuses sont les lettres au ton très personnel. des Philosophische Untersuchungen. Il aimerait remercier Juliet Floyd, Neil Kennedy, Hartley Slater et, surtout, Peter Sullivan pour les commentaires qu’il avait reçus à cette époque.